“On the road again„

Que c'est long d'attendre. Oui, mon Dieu, que c'est long. De rester le cul sur une chaise, sans bouger, à attendre une quasi inconnue au milieu d'un bar qui pue la sueur et la cigarette. Et ce temps. Ce foutu temps qui ne s'améliore pas. C'est donc ça, l'été anglais. De la pluie. Encore et toujours de la pluie. Et quand il ne pleut pas, du vent. Pour faire bonne mesure. Foutu pays, j'te jure... Et puis ce café, aussi, qui n'arrive pas. Ce qu'ils peuvent être lents dans ce bistrot, c'est dingue. Elle commence bien la mission, ah ça oui...

Konstantin poussa un profond soupir, avant de jeter un œil suspicieux à sa montre. Saskia avait cinq minutes de retard. Cinq petites minutes de rien du tout, mais cela l'exaspérait. Juste parce que c'était elle. Ils avaient échangé quelques coups de téléphone avant de s'embarquer pour l'Angleterre, chacun de leur côté, et avaient ensuite décidé de se retrouver en ville avant d'aller au château pour la première fois. Leurs bagages étaient en route, sans doute même déjà arrivés. Il quitta alors sa vieille rolex du regard pour le poser sur le doberman qui l'attendait sagement, attaché à un poteau à l'entrée du bar, couché sur le trottoir, ses grands yeux en amande rivés sur lui comme un naufragé qui s'accroche à une bouée. Le détective esquissa un sourire attendri. Une brave bête, ce Nox. Vraiment bien dressé. Cela faisait maintenant deux mois qu'il s'en occupait, jamais une bêtise, jamais une méchanceté. Ce chien était une crème, parfaitement adorable. Un peu trop même, se disait parfois Konstantin. Il semblait tellement habitué à exécuter les ordres qu'on lui donnait et à ne rien faire d'autre qu'il en avait presque perdu sa qualité de canidé. Assis. Couché. Donne la patte. Va chercher. Pas bouger. Ce n'était pas une vie, ça, tout de même. Pas une vie de Chien. Plutôt celle d'un robot. Un chien, c'est fait pour aboyer, se rouler dans la boue et courir après les pigeons, jusqu'à preuve du contraire. Du moins, c'est toujours comme ça que Konstantin avait vu les chiens.

Il fut soudain interrompu dans ses méditations par un serveur qui s'approcha de sa table et y déposa une tasse de café, suivie de l'addition. Konstantin en regarda le montant, soupira, puis sortit un billet de sa poche et le tendit au jeune homme qui attendait devant lui. Une fois l'argent en main, ce dernier repartit dans sa course folle à travers la salle, servir le plateau surchargé qu'il tenait non sans peine sur son bras frêle. Le détective se mit alors à décortiquer minutieusement le papier du carré de sucre posé sur le rebord de sa tasse à café, avant de plonger ce dernier dans le liquide noir. Il se perdit alors dans la contemplation rêveuse de la rue qu'il pouvait apercevoir à travers la vitrine pour le moins crasseuse de l'établissement. Regardant passer les voitures les unes après les autres, épiant tous ces visages inconnus qui défilaient là, de l'autre côté, à quelques mètres à peine de lui. A peine quelques heures qu'il était arrivé, et il lui semblait déjà ressentir cette petite pointe au fond du cœur, qui vous fait comprendre que votre maison vous manque. Foutue nostalgie. Il n'avait jamais beaucoup aimé l'Angleterre. Et malheureusement pour lui, ce n'était pas demain la veille qu'il allait repartir, bien au contraire. Cette enquête allait s'étirer durant de longs mois, il le sentait d'ici. Et cette satané Saskia qui n'arrive toujours pas...

Toujours intensément perdu dans ses pensées, Konstantin ne remarqua pas la jeune femme brune qui s'approchait de l'entrée du bar, où elle laissa en compagnie de Nox un chien gris et blanc aux allures de loup. Ce dernier renifla avec curiosité le museau du doberman, qui s'était alors redressé en baillant et dévisageait le nouveau venu avec surprise. Ce ne fut que lorsque la clochette de la porte tinta brièvement, et lorsqu'il entendit des talons claquer sur le sol, qu'il revint brusquement à la réalité. Apparemment, Saskia n'avait pas mis longtemps pour le repérer au milieu de la clientèle du bar. Beaucoup moins de temps qu'il ne lui en avait fallu pour daigner venir jusqu'ici... Leurs regards se croisèrent. Konstantin aurait pu se montrer accueillant, histoire que leur mission commence dans la joie et la bonne humeur et que leur relation parte sur de bonnes bases. Mais il n'était pas comme ça, pas du tout. Son naturel de vieux célibataire endurci le poussait à n'apprécier que la compagnie de cette bonne vieille Solitude, qui elle, au moins, ne risquait pas de faire foirer ses enquêtes ou de lui planter un couteau dans le dos comme les autres agents auraient pu le faire. Et puis cette Saskia ne lui revenait pas du tout, sans qu'il puisse en expliquer la cause. Pourtant, il ne la connaissait pas. Mais c'était ainsi, et il ne cherchait même pas à comprendre le pourquoi du comment de ses sentiments, il avait bien d'autres chats à fouetter. Elle avait rajusté sa veste de cuir noir sur ses épaules, et passé une main nerveuse dans ses cheveux bruns, dont les mèches folles lui tombaient devant les yeux, ébouriffés à cause du vent qui soufflait au dehors. Pourquoi tout cela ? Dans le souci de paraître plus soignée, plus élégante ? Peine perdue. Avec dix minutes de retard, ce n'était pas à coups d'élégance qu'elle allait réussir à amadouer son coéquipier. Elle s'approcha alors de lui d'un pas décidé, et se planta devant sa table. Il ne leva même pas les yeux vers elle, continuant toujours à tourner sa petite cuillère dans son café qui refroidissait. C'est alors qu'il aperçut du coin de l'œil une main tendue dans sa direction. Il reposa alors sa cuillère sur le bord de sa tasse et scruta cette main un court instant, avant de lentement faire remonter son regard de glace le long du bras de la jeune femme et finalement le planter dans le sien. Bien entendu, il ne lui serra pas la main. Il ne fit même pas mine de vouloir le faire. Il se contenta de sortir de sa poche un briquet et un paquet de marlboro, sans la quitter des yeux. Elle avait de jolies prunelles d'un gris perle, mais cela n'excusait pas pour autant son retard, ni l'exaspération qu'elle inspirait au détective.‒ Bonjour Konstantin.Le concerné ne répondit pas. Il se contenta d'allumer la cigarette qu'il avait pincée entre ses lèvres et de la dévisager avec un certain mépris. Ils se connaissaient à peine et elle osait déjà l'appeler par son prénom. Quelle audace. Du temps où il travaillait encore au FBI, jamais un autre agent au service de John ne se serait permis une chose pareille. Pour eux, il était l'Agent Reinhardt, et c'est tout. Ce dernier ne souhaitait pas de familiarité entre eux et, Dieu merci, ils l'avaient tous compris. Tous, sauf cette Saskia, apparemment. Le serveur qui s'était occupé de Konstantin s'approcha à nouveau de la table, tenant dans ses bras son plateau vide. Mais avant même qu'il eut pu dire un seul mot, la jeune femme tourna sèchement la tête vers lui et lui aboya littéralement sa commande à la figure. Intimidé, ce dernier hocha brièvement la tête et repartit aussi vite qu'il était venu. Le détective estima qu'elle avait assez attendu. Du bout du pied, il poussa vers elle la chaise en face de lui et la lui indiqua d'un bref signe de tête.

‒ Asseillez-vous.

Dit-il d'une voix ferme, avant de relâcher une bouffée de fumée chargée de nicotine.

La jeune femme s'était saisi de la chaise avec une certaine brutalité, avant de s'asseoir en face de Konstantin. Le menton relevé, comme en signe de défi, elle posa à nouveau les yeux sur lui. Ils se dévisagèrent l'espace d'une seconde, semblables à deux chats sauvages prêts à se sauter dessus, puis elle posa alors un petit calepin sur la table. Cependant, elle ne le lui tendit pas pour qu'il y jette un œil. Elle le garda en main, ne laissant rien paraître qui puisse signifier que les informations qu'il contenait concernaient la mission. Mais c'était en rapport, bien entendu, sinon elle ne l'aurait pas sorti. C'était de la provocation, il le savait. C'est pourquoi il fit mine de ne pas y prêter attention et ne chercha même pas à déchiffrer les quelques lignes qu'y semblaient y avoir été griffonnées à la hâte.

‒ Tu excuseras peut-être mon retard si je te dis que j'ai déjà pu récolter quelques pistes.

Dit-elle en lui secouant son calepin sous le nez. Le détective laissa échapper un petit rire moqueur. Si elle croyait réussir à l'impressionner, ou même ne serait-ce qu'à l'émouvoir avec ceci... Ce n'était pas à l'extérieur du domaine de Brockhurst qu'ils récolteraient les informations les plus intéressantes, mais bien à l'intérieur. Il ouvrit la bouche pour répondre, sans doute pour faire un commentaire des plus sarcastiques, comme à son habitude. Mais il n'en eut pas le temps, le jeune serveur était de retour à leur table. Il déposa précautionneusement la tasse de café devant Saskia, tout en rougissant et s'excusant d'avoir mis tant de temps. La jeune femme le remercia, se passant la main dans les cheveux à la manière des mannequins qu'on voit sur la couverture des magasines de mode, et accompagna ses paroles d'un regard séducteur. Le jeune homme lui répondit par un sourire niais de gamin de huit ans à qui on vient d'offrir une sucette, avant de s'éloigner en direction des cuisines. Il semblait persuadé d'avoir une touche. Comme si une telle larve pouvait plaire à Saskia... A peine eut-il tourné les talons, que l'agent reprit son air froid et indifférent.

‒ Crédule.

Lâcha-t-elle en soupirant d'un air las. Un sourire moqueur vint éclairer le visage du détective. Cette jeune femme semblait avoir un certain talent pour manipuler les gens. Pauvre garçon, s'il savait. Oui, Saskia semblait, tout comme Konstantin, savoir porter à la perfection le masque de la perfidie et du mensonge. Et, à vrai dire, cela ne le laissait pas indifférent. Oh, pas que cela lui plaisait, au contraire. Il aimait avoir affaire à des gens qui lui restaient intellectuellement inférieurs et dont il pouvait se jouer sans craindre d'être démasqué ou battu sur son propre terrain. Tandis qu'avec sa nouvelle coéquipière... Cela allait être différent, de toute évidence. Ils semblaient tous les deux opérer au même niveau, ce qui était loin d'amuser Konstantin. Le jeune serveur sortit alors des cuisines, un plateau chargé à la main, et repassa devant leur table non sans adresser à Saskia un clin d'œil entendu, auquel elle répondit par un sourire pour le moins aguicheur. Pauvre crétin, naïf. Et au prochain passage, tu lui donneras ton numéro avec l'addition, c'est ça ? Haha, si seulement tu savais. La jeune femme avait de nouveau posé les yeux sur lui, elle le fixait. Konstantin en fit de même.

‒ Si t'es venue pour draguer, tu sais, ils organisent un blind date dans la salle juste à côté.

Lui lança-t-il avec un sourire des plus narquois. Il était passé au tutoiement sans plus de cérémonie. Après tout, si elle osait en faire de même avec lui, il n'allait pas se priver. Ses yeux couleur de glace quittèrent un instant le visage de son interlocutrice, pour porter leur attention sur le petit calepin, toujours posé devant elle. Lentement, très lentement, il vint poser un doigt dessus, avant de murmurer :

‒ « Oh dear ! I shall be too late ! » Disait le lapin blanc. Quelle piètre excuse... J'espère que tes pistes valent quelque chose, ma chère.

Elle avait enfin réussi à capter son intention, elle le sentait, au fond de la glace de ses yeux, elle sentait qu'au fond ils finiraient par réussir à se parler, sans jamais réussir à s'entendre, comme le jeu du chat et de la souris, simplement, qui était le chat ? Qui était la souris ? Comment différencier le prédateur de sa victime ? Cette relation était ambigüe, elle le détestait autant qu'il la fascinait.

‒ Si t'es venue pour draguer, tu sais, ils organisent un blind date dans la salle juste à côté

Ces mots arrachèrent un petit sourire, presque millimétriques, calculé mais à la fois imprévu à la jeune femme. Elle pouvait se le permettre tant que les portes du château n'étaient pas franchies. Tandis que Konstantin lui avait arboré un sourire narquois, il avait été pensé, et façonné, ce masque qu'il maîtrisait depuis beaucoup plus d'années que la jeune femme . Elle sentait que la relation qu'ils entretiendraient serait toujours à mi-chemin entre la haine et l'amitié. Quel beau manipulateur, fascinant. Quelques minutes au téléphone toujours sur la défensive, et voici qu'il avait fini par donner l'illusion à l'agent que malgré tout, malgré le temps qu'ils allaient devoir se supporter ils allaient finir par s'entendre, elle comprenait enfin pourquoi on le trouvait si doué dans ce métier et pourquoi John l'avait mise en garde mais lui avait aussi chanté ces louanges.

_ Tu m'as l'air fortement renseigné, bien plus que sur Brockhurst.

Renchérit-elle, presque stoïque, ayant figé ce sourire à mi-chemin entre tout, entre l'étonnement, l'anticipation, et l'envie ainsi qu'un mélange d'un tas d'autres choses dont les mots et les synonymes ne pouvaient exprimer ses sentiments.

‒ « Oh dear ! I shall be too late ! » Disait le lapin blanc. Quelle piètre excuse... J'espère que tes pistes valent quelque chose, ma chère.

Leur emprise glaciale c'était brisé, les yeux glacés de l'homme c'était mis en chasse sur le petit calepin et doucement ses doigts c'étaient entourés autour du petit bloc-notes, presque instantanément, Saskia posa sa main sur celle de l'homme pour l'empêcher de ramener ces informations à portée de ses yeux. Elle ne le laisserait pas lire ou entrevoir plus que ce qu'il n'avait pu voir sans être sure qu'ils travaillaient bien ensemble et pas l'un contre l'autre dans le même but.

_ Qu'est-ce qui peut te faire croire que je te fais confiance.

Dit-elle, un sourire railleur sur les lèvres, il était presque amusé. Oui un étrange petit jeu était en train de s'instaurer entre les deux êtres, où les règles ne se fixaient pas mais où il y avait des choses qui sonneraient la fin du jeu et engendrerait la haine chaque jour un peu plus.

_ Alice aux pays des merveilles, tu aurais pu trouver mieux, ma nièce me répète toujours la même chose, elle est fan de cette histoire.

Faux. Saskia avait abandonné sa famille, elle n'avait ni soeur, ni nièce, ni parents. Il lui fallait une liberté totale de mouvements pour exercer son métier. Etre libre de partir loin, comme beaucoup d'autres agents elle avait l'ambition de devenir une des meilleures, simplement elle, s'en donnait les moyens et comptait bien sûr l'aide de Konstantin pour y parvenir.

‒ Tu m'as l'air fortement renseigné, bien plus que sur Brockhurst.

Elle avait sourit. Trop imperceptiblement pour que quiconque d'autre l'ai vu. Mais lui, qui gardait les yeux rivés sur elle, il l'avait remarqué. Elle venait de marquer un point en disant cela, bien que Konstantin n'ait en réalité fait qu'écouter les bribes de conversations qui lui parvenaient. Cela lui arracha un sourire en coin. Bien. Il aimait cela. Après tout, un agent sans audace et sans répartie ne faisait pas long feu. Et il était là pour former Saskia, en quelque sorte.

Pendant ce temps, il essayait toujours de lui prendre le petit calepin, y baladant ses doigts d'un air faussement innocent. Mais son interlocutrice n'était évidemment pas dupe. C'est alors qu'elle posa sa main sur la sienne, pour l'empêcher de se saisir du carnet. Le détective sursauta, bien malgré lui. Il avait toujours abhorré les contacts physiques, et plus particulièrement lorsqu'il s'agissait de gens qu'il ne connaissait pas ou peu – ce qui était le cas ici. Cela aurait été quelqu'un d'autre que sa coéquipière, il aurait sans doute retiré vivement sa main et l'aurait fusillée du regard. Mais là... Il se devait tout de même de maintenir entre eux une certaine harmonie, histoire que la mission ne se termine pas en queue de poisson. Elle ne lui faisait pas confiance – ce qui était normal, après tout, ils ne se connaissaient pratiquement pas – elle venait elle-même de le lui faire comprendre, alors pas la peine d'en rajouter. Il lui avait déjà servi son petit numéro tout à l'heure, c'était suffisant pour l'instant. De toute façon, il trouverai bien un autre moment pour en rajouter une couche, les sarcasmes c'était son rayon.


‒ Alice aux pays des merveilles, tu aurais pu trouver mieux, ma nièce me répète toujours la même chose, elle est fan de cette histoire.

Dit-elle avec un sourire railleur. Le détective se mordit la lèvre d'un air amusé. Elle avait dit ça avec tout le naturel du monde. Et ce mensonge aurait pu très bien passer... si elle ne le lui avait pas servi à lui en particulier. Car lui, il avait eu tout le loisir de lire son dossier, et il avait bien noté qu'elle n'avait plus ni famille ni attache. De toute façon, c'était comme cela pour la plupart des agents. Lorsque l'on souhaite travailler pour la CIA, il vaut mieux éviter d'avoir une famille nombreuse et une épouse attentionnée. Auquel cas on s'expose à de nombreuses difficultés en plus de celles imposées par les missions. Konstantin non plus n'avait plus aucune attache, en dehors des quelques personnes qu'il employait dans son cabinet de détective. Mais ce n'était là que des relations purement professionnelles, ça n'allait pas plus loin, il ne le désirait pas. Jusque là, sa vie de solitaire lui convenait tout à fait.


‒ Bien essayé.

Ricana-t-il, avant de faire un mouvement brusque pour tenter de ramener le calepin vers lui.

Il s'était mordu la lèvre, un air amusé trônait sur son visage fin, c'est vrai il était charismatique et il en jouait, tout ça pour parvenir à ses fins elle le savait, ils étaient ou avaient été tous les deux des agents de la CIA, ils savaient manipuler, ceci était d'ailleurs une grande qualité pour devenir un bon agent, et ils ne connaissaient pas les remords. Ils faisaient comme si les barrières étaient tombées mais c'était faux, elle le savait. Il ne tarderait pas à lui relancer des pics ou la poignarder dans le dos dès qu'il le pourrait elle en était consciente. C'est donc pour cela qu'elle savait que cette trêve ne durerait que quelques heures, quelques minutes peut-être. Rien n'était moins sûr, malgré ces quelques signes de décontraction elle restait sur ses gardes, l'agent le savait prêt à retourner sa veste contre elle. Elle ne ferait aucun état d'âmes, elle savait qu'elle ne pouvait lui faire confiance... du moins pour l'instant.





‒ Bien essayé.

Avait-il dit en riant, heureux de l'avoir démasquée, il trônait comme si ceci n'avait pas été une évidence, ils avaient apparemment tous les deux enquêtés l'un sur l'autre, sans se parler ils savaient beaucoup de choses sur la vie de l'autre, elle le savait, ils le savaient. Elle imita un signe de déception mêlée à la satisfaction de pouvoir constater que tout ce qu'on lui avait dit sur son collaborateur était vrai. Finalement il méritait peut-être toute l'estime qu'elle refusait de lui offrir. Le temps déciderait ou non de ce qu'ils pourraient s'apporter l'un à l'autre.

_ Tu en sais beaucoup trop, je vais devoir te supprimer.

Plaisanta-t-elle sur un ton qui se voulait amusé. D'un geste brutal il tenta de ramener le calepin vers lui, visiblement ce dernier semblait l'intéresser bien plus qu'il ne voulait le laisser croire, elle s'amusait beaucoup, le voir se donner tant de mal pour lire quelques lignes dont il voulait laisser penser que ceci ne l'intéressait presque pas. Elle empoigna le bras de l'homme brutalement. Exerçant une force tel que les jointures de ses doigts avaient blanchit, son regard c'était de nouveau figé en un masque de glace, oh non, elle ne lui ferait pas de fleurs et ne s'autoriserait aucun état d'âmes. Elle refusait de voir une bavure dans son dossier, surtout que l'homme ne faisait plus parti de la CIA, elle avait eu beau se battre bec et ongle contre son retour, John l'avait en plus forcée à travailler avec lui.

_ Je n'ai aucune raison d'avoir confiance en toi, pourquoi devrais-je te laisser lire ?

Tonna-t-elle sur un ton sec et froid, il n'y avait plus rien de conciliant dans son regard et le sourire qui s'était suspendu à ses lèvres avait disparu. L'impression de douceur et de garde baissée qui avait animé son visage s'était brutalement volatilisé, ils venaient d'engager un véritable bras de fer. Mais tandis que sa main empoignait fermement le poignet de l'homme l'autre c'était posé dans le bas de la poche de son manteau, elle était prête à sortir son âme, non, les informations n'était pas importantes à ce point, c'était devenu une simple question d'honneur. Elle voulait lui prouver sa détermination entant qu'agent et ce n'était pas parce qu'il lui avait fait une fleur en daignant poser ses prunelles dans celles de la jeune femme qu'elle allait le laisser tout faire simplement par peur de le froisser, oh non... Elle voulait le provoquer, le pousser dans ses retranchements, voir ce qu'il avait dans le ventre.

_ Ne joue pas Konstantin, il risquerait d'arriver quelque chose de malheureux.

Annonça-t-elle toujours aussi froide. Bien sur la température pouvait redescendre aussi vite qu'elle était montée, Saskia avait cette faculté extraordinaire de se calmer aussi vite que de s'énerver, son temps de réaction était d'autant plus optimisé. Ils étaient entrés dans un rapport de force qui, elle devait bien se l'avouer l'amusait beaucoup. Il n'y avait rien de personnel, ni de véritablement

agressif, c'était juste un jeu étrange dans lequel elle avait embarqué le détective sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Un rapport de force presque amical qui visait à défendre son honneur. Et, évidemment lorsqu'il serait fini elle ne lui en tiendrait pas rigueur, c'était juste un jeu étrange. Jeu auquel nombre de ses coéquipier avait été embarqués.

▬ Tu en sais beaucoup trop, je vais devoir te supprimer.

Lui répondit-elle sur le ton de la plaisanterie. Konstantin souriait toujours. Cette jeune femme l'amusait, bien qu'il lui aurait volontiers mis quelques claques, juste pour le plaisir. Il y a des gens comme ça, qui vous énervent sans que vous sachiez pourquoi... Peut-être parce qu'inconsciemment, vous sentez qu'ils vous sont égaux... ou presque. Et ça, votre orgueil sur-dimensionné ne peut l'accepter sans broncher.

A peine eut-il tenté de récupérer le petit bloc-notes, que Saskia lui avait empoigné le bras avec force, le serrant à s'en faire péter les jointures des doigts. Dis-donc, que contenait-il ce petit carnet, pour qu'elle se montre si possessive ? Un secret d'État ? Les bijoux de la Reine ? Les manuscrits de la mer Morte, peut-être. Tandis qu'elle resserrait lentement sa prise autour de son poignet, le détective la vit plonger son autre main dans la poche de son manteau, et il comprit aussitôt ce qu'elle avait en tête. Il ne s'en émut même pas, c'était tellement prévisible. On l'avait déjà tant de fois menacé avec une arme qu'elle aurait pu sortir une kalachnikov de son sac, il lui aurait ri au nez.


▬ Ne joue pas Konstantin, il risquerait d'arriver quelque chose de malheureux.

Lâcha-t-elle sur un ton glacial, le vrillant toujours de ses yeux gris. La logique aurait voulu que Konstantin lâche ce foutu carnet et termine son café comme un gentil agent bien sage... ce qu'il n'était pas. Alors, contre tout attente, il éclata de rire. Un rire narquois, suintant le mépris, comme il savait si bien les faire.


▬ Oh, tu comptes vraiment me supprimer, en fait ? Mais... On ne t'as donc jamais appris qu'il faut toujours désarmer son adversaire – surtout si c'est moi – avant de proférer des menaces stupides ?

Un déclic se fit alors entendre, provenant de sous la table. Et un sourire parfaitement hypocrite vint se dessiner sur les lèvres du détective. Cela faisait bien cinq minutes qu'il avait son arme braquée en direction de sa coéquipière, sans qu'elle s'en aperçoive. Décidément, il regrettait de moins en moins que John lui ai refilé l'agent Adeïev pour cette enquête. Il s'avérait que Konstantin prenait un malin plaisir à la ridiculiser et lui lancer des piques, et il ne s'en cachait pas. C'est si bon, d'avoir un souffre-douleur... Alors, que vas-tu faire maintenant, Saskia ? Vas-tu encore tenter désespérément de sauver l'honneur ? C'est inutile avec cet homme-là, tu le sais. Il n'en a que faire, de ton pauvre petit honneur, et il pressera la détente s'il en a envie. Allons, sois raisonnable, et plies-toi aux règles. A ses règles. Pour une fois.

Il savait ce qu'elle était en train de faire, il savait que son arme était pointée sur lui. Saskia n'espérait pas qu'il la laisse tranquille, elle aurait été particulièrement déçue de son comportement. Elle lui aurait alors refusé toute l'estime que ce John lui portait. Contre toute attente en effet il se mit à rire, un rire où perçaient le sarcasme, le mépris. Ce qui arracha un sourire totalement satisfait à Saskia. Elle savait qu'elle ne le descendrait pas, Ils savaient. A force de rire, Konstantin arracha quelques éclats de rires à Saskia, oui elle savait que lui aussi avait pointé son arme sur elle, et ça la fit rire, elle ne riait pas à cause du stress ou du désespoir qui aurait dû envahir une bleue. Non, elle riait parce qu'enfin contrairement à tous ceux qu'elle avait entraînés dans son jeu, lui, était le seul à avoir tenu tête, oui il lui avait profondément tenu tête, et tous les deux savaient que lui n'hésiterait pas à la descendre. Elle se mit une nouvelle fois à rire au point d'en avoir mal au ventre. En faisant ça, Konstantin était un des rares à avoir obtenu son estime, bien que jamais elle ne lui avouerait une telle chose. Elle savait aussi qu'en faisant ça, elle le regretterait, elle regrettera leur séparation, certaine que lui reprendra son agence et elle poursuivra son ascension dans l'échelle sociale de la CIA. Elle savait aussi que jamais il ne se reverrait, lui préféra retrouver cette solitude qui jusque là l'avait toujours accompagné. Il avait pour l'instant été le seul à l'impressionner, et qu'il marquera cette mission comme la plus intéressante et la plus riche jusqu'à ce jour.

▬ Oh, tu comptes vraiment me supprimer, en fait ? Mais... On ne t’a donc jamais appris qu'il faut toujours désarmer son adversaire – surtout si c'est moi – avant de proférer des menaces stupides ?

Il retira la sécurité de son arme, elle fit de même en réponse à son geste, un sourire amusé sur les lèvres, se retenant une nouvelle fois de rire. Elle aimait avoir quelqu’un de cette trempe, presque de son niveau pour mieux dominer. Décidément cet agent était le meilleur qui lui avait été donné de rencontrer. Lui aussi souriait, mais lui était tout à fait sarcastique. Oui, lui se donnait plutôt un air supérieur, il était sur de l’issue de cette rencontre, Saskia beaucoup moins. Mais cela ne l’empêchait pas de rire, oui, tout simplement, parce qu’elle était heureuse d’avoir trouvé un partenaire aussi intéressant, et surprenant. Oui Konstantin était l’agent le plus chiant, le plus désagréable, le genre d’homme qui l’insupportait à se croire supérieure et dont l’égo était de la taille de la du big ben, mais il était surprenant.

_ Allons Konstantin, ne fais pas l’enfant. Ne supportes-tu pas les challenges ?

Affirma-t-elle amusée par la situation, oui parce que la situation était étonnante, il était les seuls sur terres à savoir que leurs deux canons se faisaient un face à face dangereux, et ils riaient, en ce menaçant, mais ni l’un ni l’autre ne semblait apeuré ou déstabiliser pas la nouvelle. Oui, c’était le feu d’artifices que John lui avait promis, le coéquipier fait sur mesure, au point qu’elle en oubliait son ancien partenaire.

Les yeux gris de Saskia avait échappé à cette emprise qu’exerçait ceux de Konstantin sur elle. Elle avait alors posé ses yeux sur les jointures de ses doigts qui avait blanchits à force d’exercer une telle pression sur le bras de l’homme. Elle vit alors quelques lettre gravées dans la chairs, elle fronça un instant les sourcils, les lettre dépassaient de dessous sa Rolex éclatante. Elle cala alors l’arme entre ses jambes et soudainement saisit le calepin, le jeta sur la table, et souleva la grosse montre pour découvrir son poignet sans demander permission à l’agent. Elle lut les quelques lettre et déchiffra le mot envie inscrit en latin. Ses grands yeux gris s’écartèrent, sa bouche ne put émettre aucun son, elle sondait les yeux de l’homme puis articula.

_ Konstantin qu’est-ce que….

Brutalement il avait attiré son poignet, en temps normal le jeune femme ne l'aurait lâché pour rien au monde, mais au contact de la glace qui S'était encré au fond de ses yeux Saskia fut surprise, oui elle n'était pas préparée à vivre ça avec un autre agent. Les yeux de la jeune femme aurait pu être comparée au Titanic et ceux de Konstantin étaient cet iceberg. A ce moment-là elle se rendit compte que si il voulait réellement la couler il y parviendrait. Elle mesurait à cet instant toute la dureté et l'animosité qui l'animait. Son visage n'avait plus rien de conciliant, oui, car il avait beau lui lancer des piques dans le fond de ses yeux elle avait toujours pu y déceler une empreinte légère d'un sentiment presque doux et amical, mais là... elle n'y voyait plus rien qui soit positif... Il semblait profondément dégoutté.

▬ Mêle-toi de tes affaires !

Avait-il hurlé dans la salle, elle tressauta, elle le voyait déjà lui pulvériser la jambe avec son revolver, oui elle avait eu l'impression de voir la scène. Hormis la rage qui animait Konstantin toute la salle S'était figée, plus personne ne parlait, ils étaient tous stupéfait par la scène et observait avec une curiosité non dissimulée. Furieusement il se leva de sa chaise, bondissant littéralement sur ses deux jambes. Il était animé par la fureur, ses grands yeux lançaient des éclairs. Il rangea son arme dans la poche intérieure de sa veste. Saskia elle était restée stupéfaite devant l'agacement soudain de son coéquipier, elle n'avait même pas éprouvé une seule seconde la jouissance d'avoir trouvé le point faible de l'homme. Il s'était emballé comme si... Comme si c'était bien plus que des lettres, comme si elles avaient une signification particulière. Toujours animé par la rage il sorti vivement du pub, tout le monde observait la scène. Saskia jeta un regard à la salle qui l'observait à présent seule contre tous. Elle lança un semblant de sourire à la salle qui fit mine de se désintéressé d'elle. Mais tous la scrutait du coin de l'oeil. Elle héla le serveur qui inquiété surgit devant elle.

_ Ça... ça va ? Vous n'avez rien ?... Si vous voulez je veillerais à ce que ce fou ne vous approche plus.

Assura-t-il à la jeune femme avec un air de super héros vaillant. Il avait argumenté ses paroles en posant sa main sur la sienne et la dévorant littéralement du regard. Agacée elle retira sa main en lui aboyant littéralement à la figure ces ordres.

_ L'addition et vite ! Abrutis je n'ai pas besoin de toi pour vivre !

L'homme sembla se vexer et se hâta de lui apporter ce qu'elle demandait, infatigable, et persévérant ce dernier avait glissé son numéro avec l'addition. L'agent y laissa un billet sans chercher à obtenir sa monnaie bondissant à son tour en dehors du restaurant. L'homme au loin s'effaçait déjà au coin de la rue, son doberman le suivant de près. Elle s'élança alors à sa poursuite, se rendant compte qu'Anke ne suivait pas, elle se retourna et le héla, ce dernier agita sa queue et rejoignit vite sa propriétaire.

_ Konstantin ! Reviens sombre abrutis !

Hurla-t-elle à gorge déployée dans la rue. Mais l'homme ne s'arrêta pas. En quelques foulées Saskia traversa la rue et rejoignit l'homme. Elle s'approcha de lui en se demandant comment réagir avec cet homme. Elle lui attrapa le bras et se stoppa devant lui, plantant ses prunelles grises dans celles de l'homme.

Elle était sortie du bar, elle aussi, et elle le suivait. Il pouvait entendre le bruit de ses talons qui claquaient sur le bitume et les halètements du chien qui courrait à ses côtés.


▬ Konstantin ! Reviens, sombre abruti !

Le détective ne se retourna même pas, demeurant sourd à cet appel, ainsi qu'à l'insulte qu'elle venait de lui lancer. En temps normal, il n'aurait jamais permis à quiconque de lui parler d'une telle manière, et encore moins à son coéquipier, car il tenait toujours à faire perdurer entre eux un rapport de force autoritaire où il dominait, bien entendu. Mais là... Se retourner aurait été accorder trop d'importance à cette femme qui venait de lui porter ce coup si violent, comme on jette un seau d'eau froide à la figure de quelqu'un pour le réveiller, lui faire quitter ses chimériques rêves de paix, et le ramener à la dure réalité.

Il sentit alors qu'on l'agrippait et se figea sur place. Saskia l'avait attrapé par le bras et s'était plantée devant lui. Il ne broncha pas, se contentant de la dévisager silencieusement de ses yeux d'un gris bleuté, où brillait une lueur farouche. Quelle conne, nom d'un chien ! Il se dégagea brutalement de son emprise et se remit à marcher, toujours sans un mot pour elle. Nox, lui, n'y comprenait rien. Il se contentait de suivre le détective où il allait, de s'arrêter lorsque l'autre s'arrêtait. Brave chien-robot. Tu as bien de la chance, toi, d'ignorer les tourments qui nous habitent, nous, les humains. Si tu savais comme je t'envie...

Konstantin passa une main nerveuse dans ses cheveux courts. A peine trois heures, trois petites heures qu'il avait posé le pied sur le sol anglais, et il n'avait déjà plus qu'une envie : rentrer chez lui. Retrouver son piano à queue, ses cigares cubains et sa tranquillité. Et surtout, oh oui surtout, ne plus jamais revoir cette satané Saskia. Quelle conne. Je ne le répèterai jamais assez, je crois... Elle avait tout gâché. Pile au moment où il commençait à avoir enfin un peu d'estime pour elle, PAF, elle réduisait tout à néant. That's a bingo, comme dirait l'autre. Il attrapa une cigarette dans la poche de sa veste et l'alluma sans attendre, aspirant alors une longue bouffée de nicotine pour tenter de calmer les tremblements nerveux qui s'étaient emparés de ses mains. Quelle journée, mon Dieu. Il était tellement énervé qu'il n'avait même pas prêté attention à la pluie, qui d'ordinaire l'exaspérait tant. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas pété les plombs comme ça. Il était plutôt du genre posé, d'habitude, mais là Saskia avait mis le doigt – au sens propre du terme – sur un épisode de sa vie particulièrement douloureux, presque tabou pour lui. C'est drôle comme les souvenirs peuvent être une arme redoutable. Quand vous désirez vous rappeler d'une chose, ils semblent disparaitre aussitôt; mais quand au contraire vous désirez à tout prix l'oublier, ils vous hantent jour et nuit... C'était bien la dernière fois qu'il acceptait de rendre service à John, ça il en faisait le serment ! Mais au fond, ce qui l'exaspérait par dessus tout, dans cette histoire, c'était que maintenant, Saskia connaissait son point faible.

L'homme c'était stoppé comme un pilier. Leurs yeux se dévisageaient, s'envisageaient. Le silence était présent mais loin d'être pesant, puisqu'il n'y avait rien à dire. Il aurait été de convention que Saskia s'excuse mais elle ne jouait à rien avec l'homme et lorsqu'on ne joue pas un rôle c'est difficile de s'excuser, impossible pour Saskia. Elle ne savait pas si il faisait durer le plaisir ou si il était profondément vexé. Quand à Anke lui non plus ne comprenait rien, il interrogeait Nox du regard, qui lui entièrement formaté se contentait de suivre pas pour pas l'homme. Anke beaucoup moins vieux dans le métier n'était pas habitué à ce genre de choses, oui parce que par convention l'ancien dominait où du moins celui qui avait le plus fort caractère. John avait redouté ce genre de choses en lui demandant « d'être sage et de se taire ». Dans le métier il n'y avait jamais de dispute, tant pis si ils ne se supportaient pas ils se voyaient pour les conventions, mais les disputes étaient rare et souvent lourdement sanctionnées si elles parvenaient aux oreilles du directeur qui veillait à ce que « l'entente règne » pour que les agents ne se permettent pas de faire de préférences parmi les autres agents et refuser une mission parce qu'un tel était dessus. Oui c'était le feu d'artifices que John lui avait promis. Les deux équipiers se scrutaient les yeux dans les yeux.

Il se dégagea une nouvelle fois violemment. Puis la contourna se remettant en marche. Impunément elle lui emboîtait le pas. Allongeant ses foulées pour se retrouver juste à côté de l'homme. Il se passa une main nerveuse dans les cheveux et sorti une cigarette de sa veste. Elle aperçu vaguement les tremblements de ses mains. Anke semblait tout aussi nerveux, il lâcha un glapissement que Saskia sévit par un regard tranchant. L'animal comprit et se tut, calquant les attitudes de Nox.

Quelques mètres encore, le silence ce faisait assourdissant. Saskia était habituée à ce genre de pression, mais pas avec son coéquipier. Ce que leur patron lui avait dit l'autre jour s'avérait vrai ;" tu vas faire parler de toi dans l'agence". C'était la flatterie qui lui avait servie avant de lui proposer la mission. Oui il était tout aussi manipulateur car il savait que tout le monde connaissait Konstantin et refusait de travailler avec lui sachant la chose trop risquée. Oui il savait qu'elle risquait de refuser mais elle, adorait les défis, surtout ceux qui effraient les autres.

Agacée elle attrapa le bras de l'homme une nouvelle fois, elle se doutait que ce dernier ne souhaitait plus lui prêter quelconque attention. Elle se mit devant lui et le repoussant rapidement en arrière et se statufia devant lui. Elle lui saisit sa cigarette, et en prit une taffe, -elle qui d'ordinaire prônait les dégâts de la cigarette- et la jeta sur le sol avant de l'écraser contre le trottoir détrempés. Et de lui cracher toute cette fumée nicotinée au visage abreuvée par ces quelques mots.

_ Konstantin, tu n'es plus un enfant ! Tu es... Un con ! Arrête de fuir! Tu ne fais que ça, fuir, tout le temps ! Dit-elle, marquant une pause, pas longtemps juste le temps de reprendre sa respiration. Non ! Tais-toi j'ai pas fini . Tonna-t-elle en lisant dans le fond de ses yeux toute la méprise qui existait sur cette terre. Elle hurlait presque sur lui dans la rue, les passants passer leurs temps à les observés, comme si ils étaient deux alcooliques qui s'engueulaient, le spectacle de la rue, mais la jeune femme n'avait même pas pris la peine de leur jeter un regard, scrutant les prunelles de glace de l'homme. Je ne sais pas c'que tu as fait, et j'm'en fous c'est ta vie, j'suis pas ta mère ni ta femme, j'suis juste là pour remplir une mission avec toi, tu veux savoir pourquoi c'est moi qui m'y suis collé ?Parce que les autres ont peur du risque que ça engendre de remplir une mission avec toi, et que je risque de perdre mon boulot sombre crétins ! Alors arrête de fuir, tu ne fais que ça ! La vie n'est pas une fuite perpétuelle vers l'avant, et ce n'est pas parce que tu fumes que tu es un homme, non tu es encore un petit garçon tu n'affrontes rien ! Tu esquives et tu fuis ! Mais putain tu n'en à jamais marre !

Elle lâchait des jurons peut-être pour masquer qu'au fond elle s’inquiétait -malgré le ton désinvolte qu'elle avait emprunté- elle lui disait qu'elle se faisait du soucis pour lui parce que ce souvenir le rongeait de l'intérieur mais cette femme ne voulait pas laisser passer une once de l'estime qu'elle avait pour lui, peut-être par peur que la barque ne se retourne.

Oh Gott, mais qui m'a fichu une coéquipière aussi collante et déterminée... Saskia ne semblait absolument pas décidée à lui ficher la paix, bien au contraire. Elle accéléra l'allure pour ne pas se faire distancer, et lui attrapa à nouveau le bras. Mais cette fois-ci elle se mit bien en face de lui, et le poussa vers l'arrière. Il fut bien obligé de s'arrêter pour la deuxième fois, non sans la fusiller à nouveau du regard. Elle lui arracha littéralement sa cigarette, la porta à ses lèvres, puis finit par la jeter terre, l'écraser sous son talon et finalement lui cracher un nuage de nicotine à la figure.


▬ Konstantin, tu n'es plus un enfant ! Tu es... Un con ! Arrête de fuir ! Tu ne fais que ça, fuir, tout le temps ! Non ! Tais-toi, j'ai pas fini. Je ne sais pas c'que tu as fait, et j'm'en fous, c'est ta vie, j'suis pas ta mère ni ta femme, j'suis juste là pour remplir une mission avec toi, tu veux savoir pourquoi c'est moi qui m'y suis collé ? Parce que les autres ont peur du risque que ça engendre, de remplir une mission avec toi, et je risque de perdre mon boulot, sombre crétin ! Alors arrête de fuir, tu ne fais que ça ! La vie n'est pas une fuite perpétuelle vers l'avant, et ce n'est pas parce que tu fumes que tu es un homme, non, tu es encore un petit garçon, tu n'affrontes rien ! Tu esquives et tu fuis ! Mais putain, tu n'en à jamais marre ?!

Le détective demeura abasourdi l'espace de quelques secondes. Il avait beau fouiller dans sa mémoire, depuis qu'il avait commencé à travailler au service de John, jamais aucun agent ne s'était permis de lui adresser de telles paroles. Ils étaient bien trop prudent pour s'y risquer. Oh, certains avaient bien tenté, mais s'était vite retrouvé réduits à l'état de carpettes ambulantes. Non, personne ne parlait ainsi à Konstantin sans en subir les conséquences. Tous le savaient, Saskia y compris. Elle n'avait même pas l'excuse de l'ignorance, car John l'avait mise en garde contre lui, il en était plus que certain. Il le faisait à chaque fois, de toute façon. Oui Saskia, tu venait de lui hurler tout ce que tu avais sur le cœur, tout ce que tu pensais de lui, de son attitude. Et pourtant, tu sais ce qui t'attend désormais, tu sais qu'il ne laissera pas cet affront impuni. On t'avait dit « Sois sage et tais-toi », pourquoi donc as-tu désobéi à John... Mais il est trop tard pour reculer maintenant.

Konstantin saisit fermement la jeune femme par les poignets et la plaqua avec brutalité contre le mur de l'immeuble près duquel ils se trouvaient. Pendant ce temps-là, Nox, toujours fidèle à son maître, tenait l'autre chien paniqué à l'écart. Oh, elle pouvait toujours se débattre, tenter de lui échapper, il ne la lâcherait pas. Elle semblait avoir la langue bien pendue, la petite Saskia, eh bien maintenant elle allait la fermer un peu, et écouter ce qu'on lui disait. Pour une fois. Lentement, il approcha son visage du sien, et ses prunelles gris-bleu se plantèrent dans les siennes, pleines de rancœur, semblables à deux radars auxquels son interlocutrice ne pouvait plus échapper.


▬ Ta gueule. TA GUEULE. Tu n'as pas la moindre idée de ce tu dis. Tu ne sais rien de moi. RIEN, TU M'ENTENDS ?! A peine six mois que tu as rejoint les rangs de John, et tu t'sens plus pisser, ça y est ! Haha, laisse-moi rire ! Mais tu es tellement ignorante, ma pauvre petite, tu me ferais presque de la peine. J'ai vu plus de choses horribles que tu n'en verras jamais au court de ta misérable carrière. Si tu avais seulement idée de ce que j'ai vécu... Comment oses-tu... Comment oses-tu me juger. Sa voix se fit plus basse, semblable au feulement d'un tigre en colère, et il resserra sa prise autour de ses poignets. Oh, comme il aurait voulu saisir son arme, et l'abattre d'une balle dans la tête... Ce cher John ne t'as pas raconté, pourquoi j'ai quitté la CIA, il y a dix ans de ça ? Eh bien, quand nous reviendrons de cette putain de mission dans ce putain de pays et que je serai certain de ne plus jamais revoir ta sale petite face de rat, tu iras lui demander. Et a ce moment là, peut-être que tu seras en mesure de comprendre pourquoi je FUIS, comme tu le dis si bien. Und jetzt halt den Mund, Schlampe !

Cracha-t-il d'une voix dure, tranchante comme une lame de rasoir. Il aurait pu lui lancer un tas de gravats à la figure, le résultat aurait été le même. Il la lâcha enfin, non sans lui avoir lancé un ultime regard noir, puis s'éloigna à nouveau sur le trottoir, suivi de près par le doberman. Il fit quelques mètres, puis s'arrêta devant un taxi qui venait de se garer. Après avoir échangé quelques mots avec le chauffeur, il vint ouvrir la portière arrière et adressa un signe de tête autoritaire à sa coéquipière.


▬ Allez, magne-toi, on a du boulot.

Alors que c'était-elle qui le tenait en quelques secondes la situation se renversa, et Saskia qui aurait pu éviter de se laisser avoir comme ça, n'opposa aucune résistance, et alla mollement s'écraser contre le mur froid, gris et dur d'un immeuble Londonnien. Ils étaient râpeux ces murs. Si bien que le dos des mains de Saskia si frottant furent bientôt en sang, mais cela n'inquiéta en rien la jeune femme. Enfin elle découvrait ce qu'elle avait cherché, le vrai Konstantin. Celui qui avait enduré des choses, celui qui s'était reclus dans un coin de son cerveau, ce n'était plus le talentueux détective mais bien l'homme qui avait vécu beaucoup de choses et dont les nerfs ont lâché. Il approcha son visage si près que Saskia pouvait sentir le souffle court de l'homme. Ces grands yeux la sondait. C'était donc ça l'effet que ça faisait lorsque l'agent s'énervait. N'était-ce que cela alors que les autres agents redoutaient tant ? Deux mains en sang ? C'était bien peu... Et pourtant un agent avait bien faillit y perdre la vie et la nouvelle se colporta comme une traînée de poudre.

Anke lui voulait rejoindre la jeune femme à quelques mètres de là, grognant sur Konstantin, oui, ce chien était aussi téméraire que Saskia. John aurait dû faire conseiller conjugale. Le chien se mit à aboyer sur Nox, les quatre partenaires faisait grand bruit dans la rue si bien que les passants c'étaient arrêtés pour observer la scène, stupéfait. Quelques grands-mères et adolescentes c'étaient assises à leurs fenêtres pour rechercher la passion et l'excitation qui manquait dans leurs vies bien ternes. Nox lui, tentai de tenir éloigné le jeune chien qui ne pensait qu'à protéger Saskia. Si il n'avait pas autant respecté et calqué Nox ils se seraient battus.

▬ Ta gueule. TA GUEULE. Tu n'as pas la moindre idée de ce tu dis. Tu ne sais rien de moi. RIEN, TU M'ENTENDS ?! A peine six mois que tu as rejoint les rangs de John, et tu t'sens plus pisser, ça y est ! Haha, laisse-moi rire ! Mais tu es tellement ignorante, ma pauvre petite, tu me ferais presque de la peine. J'ai vu plus de choses horribles que tu n'en verras jamais au court de ta misérable carrière. Si tu avais seulement idée de ce que j'ai vécu... Comment oses-tu... Comment oses-tu me juger. Ce cher John ne t'as pas raconté, pourquoi j'ai quitté la CIA, il y a dix ans de ça ? Eh bien, quand nous reviendrons de cette putain de mission dans ce putain de pays et que je serai certain de ne plus jamais revoir ta sale petite face de rat, tu iras lui demander. Et a ce moment là, peut-être que tu seras en mesure de comprendre pourquoi je FUIS, comme tu le dis si bien. Und jetzt halt den Mund, Schlampe !

Les insultes en allemands ne lui avait pas échappée, elles l'avaient même fait sourire. Sa voie était aussi dur que son emprise de mâle viril blessé par une femme. Saskia, elle réprimandait un sourire farouche qui tentait désespérément de s'accrocher à ses lèvres. Oui, voilà enfin la colère qui cachait le véritable Konstantin. Ses grands yeux noirs sondaient les yeux de Saskia. Konstantin... il était vraiment surprenant, elle se serait attendue à sa colère certaine, mais elle aurait cru se frotter à la mort plutôt qu'à ses yeux. Elle se lassait déjà de ce contact rapproché presque aussi douloureux que plaisant. Il est vrai qu'elle avait été quelque peu surprise, qu'elle s'était demandée ce qu'il ferait, mais jamais la peur ne l'avait habitée sur ces quelques minutes. La colère, la surprise, l'admiration, la haine, la pression, la douleur, la joie, l'envie de rire, l'amusement, et presque de l'amitié, oui elle avait ressenti tout ça, mais la peur... jamais.

Son regard ce fit encore plus dur une seconde tandis que d'un coup son étreinte disparut, le voilà déjà à quelques mètres. Elle observa alors ses mains égratignée, le rouge pourpre les avaient colorées. Ses poignets douloureux avaient rougis. Nox l'avait suivi voilà Anke qui analysait de près sa propriétaire. Saskia s'attendait à ce que l'homme qui venait de négocier avec le chauffeur du taxi ébène disparaisse avec l'agent. Mais ce dernier fit un signe de tête à la jeune femme encore plantée près du mur.

▬ Allez, magne-toi, on a du boulot.

Affirma-t-il aussi sec qu'il l'avait été précédemment. Anke émit un grognement au son de la voix de l'homme. Il éprouvait pour lui une certaine haine, l'identifiant au méchant. Oui, parce que ces chiens-là étaient programmés pour voir les gens en tout blanc ou tout noir. Pour eux n'existaient aucun intermédiaire. Saskia s'approcha alors ouvrit le coffre et ordonna au chien de monter à l'arrière du véhicule. Elle lui retira le collier qui avait été nécessaire pour l'embarquement en avion, mais lorsque les mains de la jeune femme s'approchèrent du chien, par nature certainement il se mit à nettoyer la plaie superficielle avec sa langue râpeuse.

_ Stop.

Tonna-t-elle à l'animal qui immédiatement s'exécuta, elle attendit que Nox monte aussi et referma le coffre. Les passants continuant de fixer la scène, Saskia s'adressa à un passant à quelques mètres d'eux.

_ Il est un peu alcoolisé ça ira bien dans quelques heures.

Dit-elle en lui adressant un petit sourire. Elle s'approcha alors de l'homme, si près qu'elle pouvait presque sentir la chaleur de son corps et s'approcha de son oreille en lui susurrant quelques mots :

_ Dis Konstantin, tu es énervé car j'ai découvert ton point faible avant que tu n'es trouvé le mien, ou bien parce que je n'ai pas peur de toi. Si vous cochez la case "autres ", veuillez préciser la réponse.

Une seconde plus tard, la jeune femme était déjà assise sur le siège arrière du véhicule. Et l'attendait, elle attendait sa réaction aussi, elle était curieuse de pousser encore un peu plus loin les limites.

Etait-ce un sourire qu'il pouvait discerner sur ses lèvres ? Oui, un semblant de sourire moqueur et hypocrite, qu'elle tentait vainement de dissimuler. Elle osait se foutre de lui... Décidément, elle devait être un peu bouchée celle-là, ou alors carrément suicidaire. Pffeu ! Qu'elle ne compte surtout pas sur lui pour rendre un rapport favorable à son égard à John, oh ça non, il allait tout faire pour la descendre au maximum. Cette petite garce n'allait pas s'en tirer si facilement... Elle qui avait déjà fait littéralement exploser les limites qu'aucun agent avisé ne se serait permis d'effleurer.

La jeune femme daigna enfin se décoller du mur contre lequel Kontantin aurait bien voulu l'encastrer, et s'approcha du taxi dont elle ouvrit le coffre. Elle y fit monter Anke, avant de lui retirer son collier. Nox, qui avait beau être formaté comme un robot, n'en demeurait pas moins intelligent; il grimpa à son tour dans le coffre, tout en dévisageant son congénère d'un air peu enthousiaste. De toute évidence, la violente dispute qui avait eu lieu entre les deux agents avait également jeté un froid entre les deux canidés, qui semblaient maintenant se considérer comme des adversaires appartenant chacun à un clan différent. Le détective entendit alors sa coéquipière s'adresser à un passant, visiblement à propos de son taux d'alcoolémie. Il poussa un soupir furieux. Lui qui ne buvait quasiment jamais... Il aurait voulu aller voir l'inconnu, et lui dire : « Non, en fait elle est juste conne, vous permettez que j'lui défonce la boîte crânienne ? » Mais bientôt, elle s'approcha de lui et lui murmura à l'oreille :



▬ Dis Konstantin, tu es énervé car j'ai découvert ton point faible avant que tu n'aies trouvé le mien, ou bien parce que je n'ai pas peur de toi. Si vous cochez la case "autres ", veuillez préciser la réponse.


Oh, comme il aurait donné cher, pour pouvoir faire disparaître de son visage cet air narquois, que ce soit à coups de pelle ou de fusil à pompe. Il monta à sa suite dans le taxi et s'assit, sans un regard pour elle. Il se contenta d'indiquer la destination au chauffeur, avant de s'enfoncer dans son siège, le regard rivé droit devant lui. Tout compte fait, peut-être bien qu'au final, il préférait les agents qui avaient peur de lui et ne cherchaient pas à le défier. Au moins, eux, ils ne s'amusaient pas à fourrer leur nez dans sa vie privée et à se mêler de choses qui ne les concernaient pas. Cette Saskia avait beau se la jouer farouche et sans peur, il demeurait encore une ultime limite, qu'elle ne serai jamais à même de dépasser. Sans crier gare, il se pencha brusquement vers elle et vint planter le canon de son revolver entre ses côtes. Il retira alors le cran de sécurité de son arme, et un déclic familier se fit entendre. Il lança un regard rapide vers le chauffeur, qui fredonnait l'air qui passait à la radio et ne se souciait absolument pas de ses passagers. Peut-être avait-il entendu le bruit de l'arme, mais il ne semblait visiblement pas tenir aux ennuis et faisait mine de ne rien voir. Le détective tourna à nouveau la tête vers Saskia. Ce n'était plus de la colère qui brillait au fond de ses prunelles, c'était une véritable rage, que rien ne semblait pouvoir atténuer.



▬ John t'as certainement parlé de l'agent Parks. Tu sais, celui qui a essayé de se mêler de mes affaires et qui s'est cru plus malin que moi... Oh, il a moins fière allure, aujourd'hui. On raconte qu'il suffit de prononcer mon nom devant lui pour qu'il se mette à pleurer comme une fillette.


Le détective eut un sourire mauvais. Cet agent-là n'était pas passé loin de la mort... Personne ne savait ce que Konstantin lui avait fait subir, mais après cela, il fut totalement incapable de garder son poste à la CIA, sujet à de violentes crises d'angoisse et à une profonde dépression nerveuse. Même après cela, John n'avait pu se résoudre à renvoyer Konstantin. C'était son meilleur agent. Mais il put alors se rendre compte du danger qu'il pouvait représenter pour les autres agents. Non, ne jamais défier Konstantin.

Clac. La porte du taxi londonien vint se fermer, Konstantin ne jetai pas même un regard à la jeune femme. Cet homme était brutal. Brutal dans sa tête. Il était peut-être bien pire qu'elle. Elle regardait par la fenêtre du véhicule le paysage qui défilait, vite, très vite... Tout se passait toujours très vite. Machinalement elle massait ses poignets endoloris. Elle regardait le ciel déchiré, les passants qui marchaient tête baissée, elle inspirait profondément. Une seconde, peut-être deux, elle entendit Konstantin remuer, puis tout d'un coup une violente douleur entre les côtes. Cette pression lui coupa le souffle, tandis que ses yeux gris se plongeait dans ceux de l'homme victorieux penché vers elle. Elle n'eut pas besoin de regarder l'arme pour savoir que ce petit « clic » couvert par les paroles de la chanson était le cran de sûreté qui avait sauté de l'arme que tenait l'homme. Dans ses yeux ont lisait qu'il était gorgé de rancœur, une rancœur vivace, quelque part cette rancœur n'était pas seulement pour l'agent, elle était aussi dédiée à ceux qui lui avait fait ça. A toute cette histoire mêlée à ces quelques traces couvertes par une montre. C'est d'ailleurs de cette main là qu'il tenait l'arme. Il lui semblait que le revolver s'enfonçait chaque seconde un peu plus entre ces côtes.

Elle se dit-alors que l'homme était simplement attisé par la rage car quelque part même si le chauffeur s'appliquait à les ignorer. Que ferait-il du corps de la jeune femme, et le chien ? Et puis il faudrait aussi descendre le chauffeur, et se débarrasser du taxi. Sans parler de ses vêtements qui seront tachés de sang et de la poudre sur ses mains. Ainsi que les nombreux témoins de cette violente dispute au coin d'une rue tranquille de Londres. Oui Konstantin, la rage t'animes, te fait vivre, tu ne vis que pour la vengeance. Regarde là, est-ce simplement un problème d'ego que tu as à son égard ?

▬ John t'as certainement parlé de l'agent Parks. Tu sais, celui qui a essayé de se mêler de mes affaires et qui s'est cru plus malin que moi... Oh, il a moins fière allure, aujourd'hui. On raconte qu'il suffit de prononcer mon nom devant lui pour qu'il se mette à pleurer comme une fillette.

Il avait craché son venin, balancé ses intimidations avant même qu'elle ne put réagir. Elle ferma les yeux pour ne plus voir tout ce que lui ressentait, toute la haine dont il essayait de se décharger, toute la souffrance qu'au fond il devait éprouver. Elle se tourna vers lui sans pour autant éviter la pression douloureuse et suffocante de l'arme, revoici Konstantin, l'agent à qui il ne fallait pas faire affront. Elle posa son bras sur la têtière du véhicule, replié de manière à pouvoir poser sa tête sur sa main. Ses grands yeux maquillés scrutaient ceux de l'homme, il semblait lui dire ; Pourquoi ? Pourquoi ne vis-tu que pour te venger ? Pourquoi ne l'as-tu pas déjà fait ? Tu n'y arrives pas ? Je peux t'aider, non tu refuseras, je sais, tu veux en tirer toute la gloire, refuser de t'appuyer sur quelqu'un. Oui les grands yeux de Saskia demandait pourquoi.

_ Konstantin... tu es un con, mais ça tu le sais déjà. Ce que je veux dire c'est que mourir finalement ce n'es pas grand-chose, c'est l'issu de ce jeu, tout le monde meurt. Tu peux tirer. Tout le monde ment, beaucoup se mentent à eux-même. Me tuer ne réglera pas ton problème, sauf peut-être celui de ton ego. Mais dis-moi une chose, quand tu m'auras tuée, tu feras quoi, tout ça restera là.

Chuchota-t-elle, non, il n'y avait plus rien de sarcastique, son sourire c'était effacé, elle maîtrisait parfaitement ses sentiments, elle le faisait pour lui donner l'illusion d'une victoire, mais cette victoire n'était rien comparée au combat qui l'attendait. Elle posa doucement sa main sur celle qui tenait l'arme de l'homme. Puis remonta doucement jusqu'à sa montre qui avait une nouvelle fois laisser le haut des lettres se découvrir, et délicatement elle la replaça de manière à ce que plus rien ne dépasse, elle laissa sa main quelques instants ainsi, sondant les yeux amers de l'homme.

Saskia avait fermé les yeux, comme pour ne plus voir l'homme assis en face d'elle, qui la menaçait de son arme pour la deuxième fois de la journée. Doucement, elle appuya sa tête sur son bras, et ouvrit à nouveau les yeux. ces grands yeux gris, qui le dévisageaient d'un air interrogateur, presque compatissant. Elle ne devait pas comprendre grand chose à toute cette histoire, ni aux raisons qui poussaient Konstantin à réagir ainsi. Mais à vrai dire, même lui n'y comprenait pas grand chose, parfois...



▬ Konstantin... tu es un con, mais ça tu le sais déjà. Ce que je veux dire c'est que mourir finalement ce n'es pas grand-chose, c'est l'issu de ce jeu, tout le monde meurt. Tu peux tirer. Tout le monde ment, beaucoup se mentent à eux-même. Me tuer ne réglera pas ton problème, sauf peut-être celui de ton ego. Mais dis-moi une chose, quand tu m'auras tuée, tu feras quoi, tout ça restera là.


Il ne répondit pas. Le pire, dans tout ça, c'est qu'elle avait raison. Parfaitement raison. Ça ne servirait strictement à rien de lui loger une balle entre les deux yeux, ni de descendre Anke et le chauffeur, ce témoin gênant. Il aurait alors trois cadavres sur les bras... et cet ignoble souvenir le hanterait toujours. Les cicatrices sur son poignet n'en seraient pas moins présentes, ni moins visibles. Contre toute attente, il remis alors le cran de sûreté de son arme, et la rangea dans la poche intérieure de sa veste, avant de se rasseoir correctement dans son siège, tournant presque le dos à sa coéquipière. Il ne voulait plus voir personne. A cet instant, il aurait donné cher pour sauter de la voiture en marche, et courir loin d'ici. Pour aller où, il n'en savait rien. Il s'en fichait. Il voulait juste s'échapper. Partir, loin. Très loin. Fuir le monde. Fuir son passé... Mais il était coincé dans ce taxi, à supporter Saskia, et l'insupportable musique electro qu'écoutait cet abruti de chauffeur. Il vint appuyer sa tête contre la vitre et demeura ainsi durant tout le reste du trajet, silencieux, les yeux rivés sur le paysage qui défilait devant lui.

Une fois que le taxi se fut arrêté devant les hautes grilles du domaine de Brockhurst, Konstantin, toujours aussi muet qu'une tombe, tendit quelques billets au chauffeur sans même vérifier si le compte y était, puis descendit. Il alla ouvrir le coffre et fit sortir le doberman qui, heureux de pouvoir se dégourdir enfin les pattes, se mit à japper et courir avec joie. Mais le détective, qui n'était pas d'humeur à supporter cette allégresse intempestive, le rabroua bien vite et s'éloigna vers l'entrée du château sans un seul regard pour sa coéquipière. Nox se calma aussitôt et suivit son maître d'un pas lent, la tête basse et l'air penaud. Une fois arrivés à la réception, il put constater avec une certaine satisfaction que ses bagages étaient bien arrivés comme prévu. Il y avait au moins une chose qui fonctionnait correctement, ici. On lui remit alors un plan du domaine, ainsi que les clés de sa chambre. Il ne tarda d'ailleurs pas à y monter, c'était certainement le seul endroit du château où il était certain de ne voir personne. Quelle foutue journée. Vivement la fin de cette mission, qu'il ait enfin la paix...